mardi 29 décembre 2015

La dernière nuit du Raïs, de Yasmina Khadra

C'est suite à l'écoute d'un podcast sur une radio suisse auquel Yasmina Khadra avait été invité pour présenter son dernier livre que j'ai été informé de son projet littéraire - né au lendemain d'un lynchage barbare sans nom en 2.011 - de donner au colonel Kadhafi une dernière fois la parole, en essayant d'en restituer une certaine humanité, tout en prenant soin de ne pas juger l'homme tant décrié.

C'est donc sous la forme d'un long monologue écrit à la première personne du singulier dans une langue française impeccable (c'est aux dires de Yasmina sa seconde dame) que l'auteur - qui partage avec le colonel des origines berbères - nous invite à revenir sur la vie du tyran libyen qui connut la fin atroce que l'on sait.

C'est ainsi qu'au fil des pages, alors qu'il (sur)vit reclus à Syrte dans une école (ou ce qu'il en reste) désaffectée, on (re)découvre un homme qui évoque ses souvenirs d'enfance, ayant possédé des centaines de femmes, démagogue, et au narcissisme démesuré ("Sans moi la Libye ne serait qu'un désastre sans nom et sans lendemain", "Je suis un être d'exception").

Si la structure romanesque alternant actions et méditations parvient à maintenir l'intérêt du lecteur, j'aurais cependant apprécié plus détails à certains moments clé d'une vie plus que mouvementée, au lieu de survoler un peu vite parfois un parcours quelque part unique pour un chef d'état (Kadhafi fut sacré Raïs à l'âge de 27 ans).

J'en retiendrai cependant quelques citations, dont : "Etrange comme les hommes espèrent accéder dans la mort à ce qu'ils n'ont pas acquis pendant leur vie", "Je suis seul face à mon destin, et le destin regarde ailleurs".

Me restera aussi en mémoire cette ironie de l'histoire, à savoir cet homme qui se croyait prédestiné à une fin somptueuse, imaginant son corps exposé au palais présidentiel, bercé par les sourates déclamées par des imams venus de tout le monde arabe, alors que c'est en rat d'égoût croupissant au fond d'un caniveau qu'il expulsera son dernier souffle.

Lu dans le cadre de l'opération "Les Matchs de la Rentrée Littéraire 2015" de #PriceMinister #MRL15






dimanche 12 juillet 2015

La vie de couple des poissons rouges, de Guadalupe Nettel


Détails sur le produit
Quand j'ai vu que la traduction d'une nouvelle oeuvre de la jeune prodige mexicaine - trop peu connue à mon goût - Guadalupe Nettel était disponible en français, je n'ai pu m'empêcher de faire un saut de joie, mon enthousiasme s'expliquant par le fait que je vois (lis) en elle une artiste de la trempe de la bien plus connue Yoko Ogawa, rien de moins.


Dans cet excellent nouvel opus qui compte cinq nouvelles à forte connotation animale, l'auteur nous embarque - comme dans chacun de ses livres - dans son univers étrange, en nous révélant cette fois-ci les liens mystérieux et invisibles qui relient les animmaux aux êtres humains. Ont ainsi droit au chapitre les poissons rouges, les cafards, les chats, les champignons et le serpent qui, tel un miroir "reflètent nos émotions et nos comportements latents que nous n'osons pas regarder en face".

Rien d'exceptionel ni d'attirant au menu, me direz-vous. Oui et non. Car même si les situations de départ semblent à chaque fois anodines et pas dignes d'un intérêt particulier, Guadalupe n'a pas son pareil pour sortir sa l(o)upe, nous montrer ce qui se passe sous la surface des choses et à pointer le doigt sur les forces occulté(e)s qui échappent à notre oeil d'humain. Car comme elle l'a si bien compris, bien souvent, l'intérêt n'est pas dans les choses elles-mêmes, mais dans leur façon de se relier entre elles et au monde.

Son deuxième don est la capacité qu'elle a de nous entraîner dans ses découvertes extra-sensorielles peu ragoûtantes (convenez-en) sans l'avoir l'air d'y toucher et sans contrainte aucune, comme si elle éprouvait un réel plaisir à courtiser nos bas instinct de voyeur - ne serait donc pas le plus animal qui l'on croit ?, telle une araignée tissant une toile aux couleurs enchanteresses pour mieux nous dévorer.

En résumé, fans de Yoko Ogawa, mais aussi amateurs de beauté étrange, de nouvelles mystérieuses au style épuré à la tension croissante, n'hésitez pas. Dépaysement garanti!